|
LOI
DU 2 JUIN 1941 remplaçant
la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs (Journal
Officiel du 14 juin 1941) Nous,
Maréchal de France, chef de l'État français, Le conseil des ministres
entendu, Décrétons : Article
1er – Est regardé comme Juif :
1° Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui
est issu d'au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si
son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive.
Est regardé comme étant de race juive le grand parent ayant appartenu
à la religion juive ; 2° Celui ou
celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et
qui est issu de deux grands-parents de race juive.
La non appartenance à la religion juive est établie par la preuve de
l'adhésion à l'une des autres confessions reconnues par l'État avant la loi
du 9 décembre 1905. Le désaveu ou
l'annulation de la reconnaissance d'un enfant considéré comme Juif sont sans
effet au regard des dispositions qui précèdent. Art.
2 – L'accès et l'exercice des
fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux Juifs : 1.
Chef de l'État, membres du Gouvernement, du conseil d'État, du conseil de
l'ordre national de la Légion d'honneur, de la cour de cassation, de la cour
des comptes, du corps des mines, du corps des ponts et chaussées, de
l'inspection générale des finances, du corps des ingénieurs de l'aéronautique,
des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des justices de paix,
des tribunaux répressifs d'Algérie, de tous jurys, de toutes juridictions
d'ordre professionnel et de toutes assemblées issues de l'élection, arbitres.
2. Ambassadeurs de France, secrétaires généraux des départements
ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales
des ministères, agents relevant du département des affaires étrangères, préfets,
sous-préfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux
des services administratifs au ministère de l'intérieur, fonctionnaires de
tous grades attachés à tous services de police.
3. Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires
généraux de colonies, inspecteurs des colonies.
4. Membres des corps enseignants. 5.
Officiers et sous-officiers des armées de terre, de mer et de l'air, membres
des corps de contrôle de la guerre, de la marine et de l'air, membres des corps
et cadres civils des départements de la guerre, de la marine et de l'air, créés
par les lois du 25 août 1940, du 15 septembre 1940, du 28 août 1940, du 18
septembre 1940 et du 29 août 1940. 6.
Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires
de concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique,
titulaires de postes à la nomination du Gouvernement dans les entreprises d'intérêt
général. Art.
3 – Les juifs ne peuvent occuper,
dans les administrations publiques ou les entreprises bénéficiaires de
concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique, des
fonctions ou des emplois autres que ceux énumérés à l'article 2, que s'ils
remplissent l'une des conditions suivantes :
a) Être titulaire de la carte du
combattant, instituée par l'article 101 de la loi du 19 décembre 1926 ;
b) Avoir fait l'objet, au cours de la campagne 1939-1040, d'une
citation donnant droit au port de la Croix de guerre instituée par le décret
du 28 mars 1941 ; c) Être décoré
de la Légion d'honneur ou de la médaille pour faits de guerre ;
d) Être pupille de la nation ou ascendant, veuve ou orphelin de
militaire mort pour la France. Art.
4 – Les juifs ne peuvent exercer une
profession libérale, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, ou
une profession libre, être titulaires d'une charge d'officier public ou ministériel,
ou être investis de fonctions dévolues à des auxiliaires de justice, que dans
les limites et les conditions qui seront fixées par décrets en conseil d'État.
Art.
5 – Sont interdites aux juifs les
professions ci-après : Banquier,
changeur, démarcheur ; Intermédiaire
dans les bourses de valeurs ou dans les bourses de commerce ;
Agent de publicité ; Agent
immobilier ou de prêts de capitaux ; Négociant
de fonds de commerce, marchand de biens ; Courtier,
commissionnaire ; Exploitant de forêts
; Concessionnaire de jeux ;
Éditeur, directeur, gérant, administrateur, rédacteur, même au titre
de correspondant local, de journaux ou d'écrits périodiques, à l'exception
des publications de caractère strictement scientifique ou confessionnel ;
Exploitant, directeur, administrateur, gérant d'entreprises ayant pour
objet la fabrication, l'impression, la distribution ou la présentation de films
cinématographiques, metteur en scène, directeur de prises de vues, compositeur
de scénarios ; Exploitant,
directeur, administrateur, gérant de salles de théâtre ou de cinématographie
; Entrepreneur de spectacles ;
Exploitant, directeur, administrateur, gérant de toutes entreprises se
rapportant à la radiodiffusion. Des
règlements d'administration publique fixeront pour chaque catégorie les
conditions d'application du présent article. Art.
6 – En aucun cas, les juifs ne
peuvent faire partie des organismes chargés de représenter les professions visées
aux articles 4 et 5 de la présente loi ou d'en assurer la discipline. Art.
7 – Les fonctionnaires juifs visés
aux articles 2 et 3 sont admis à faire valoir les droits définis ci-après : 1°
Les fonctionnaires soumis au régime de la loi du 14 avril 1924 recevront une
pension d'ancienneté avec jouissance immédiate s'ils réunissent le nombre
d'années de service exigé pour l'ouverture du droit à cette pension. Si, sans
remplir cette condition, ils ont accompli au moins quinze années de services
effectifs, ils bénéficieront avec jouissance immédiate d'une pension calculée
à raison, soit d'un trentième du minimum de la pension d'ancienneté pour
chaque année de services de la catégorie A, soit d'un vingt-cinquième pour
chaque année de services de la catégorie B ou de services militaires. Le
montant de cette pension ne pourra excéder le minimum de la pension d'ancienneté
augmenté, le cas échéant, de la rémunération des bonifications pour
services hors d'Europe et des bénéfices de campagne ;
2° Les fonctionnaires soumis au régime de la caisse nationale des
retraites pour la vieillesse obtiendront, s'ils comptent au moins quinze ans de
services effectifs, la jouissance immédiate d'une allocation annuelle égale au
montant de la rente vieillesse qui leur serait acquise à l'époque de la
cessation de leurs fonctions si leurs versements réglementaires avaient été
effectués dès l'origine à capital aliéné. Cette allocation cessera de leur
être attribuée à compter de la date d'entrée en jouissance de leur rente sur
la caisse nationale des retraites ; 3°
Les fonctionnaires des départements, communes ou établissements publics qui
possèdent une caisse spéciale de retraites bénéficieront, avec jouissance
immédiate, de la pension d'ancienneté ou de la pension proportionnelle fixée
par leur règlement de retraites, s'ils remplissent les conditions de durée de
services exigées pour l'ouverture du droit à l'une de ces pensions ;
4° Les agents soumis au régime de la loi sur les assurances sociales et
comptant au moins quinze années de services effectifs recevront, de la
collectivité ou établissement dont ils dépendent, une allocation annuelle égale
à la fraction de la rente vieillesse constituée par le versement de la double
contribution durant toute la période où ils sont restés en service. Cette
allocation cessera de leur être attribuée à compter de la date d'entrée en
jouissance de ladite rente ; 5° Les
fonctionnaires tributaires de la caisse intercoloniale de retraites ou des
caisses locales, et comptant au moins quinze années de services effectifs, bénéficieront
d'une pension dans les conditions qui seront déterminées par un règlement
d'administration publique ; 6° Les
fonctionnaires et agents ne remplissant pas les conditions requises pour pouvoir
bénéficier des pensions et allocations ci-dessus recevront leur traitement
pendant une durée qui sera fixée par un règlement d'administration publique;
7° La situation des ouvriers des établissements militaires et
industriels de l'État sera réglée par une loi spéciale. Les fonctionnaires
ou agents juifs visés par les articles 2 et 3 de la loi du 3 octobre 1940 sont
considérés comme ayant cessé leurs fonctions à la date du 20 décembre 1940.
Les fonctionnaires ou agents qui sont atteints par les nouvelles interdictions
édictées par la présente loi cesseront
leurs fonctions dans le délai de deux mois après la publication de celle-ci.
L'application des dispositions de la présente loi aux prisonniers de
guerre est différée jusqu'à leur retour de captivité. Les fonctionnaires ou
agents juifs visés aux articles 2 et 3 et actuellement prisonniers de guerre
cesseront d'exercer leurs fonctions deux mois après leur retour de captivité.
Les dispositions de la présente loi ne seront applicables aux
ascendants, conjoint ou descendants d'un prisonnier de guerre que dans un délai
de deux mois après la libération de ce prisonnier.
En ce qui concerne les personnels en service outre-mer, un décret rendu
sur la proposition des secrétaires d'État intéressés déterminera les
conditions de la cessation de leurs fonctions. Art.
8 – Peuvent être relevés des
interdictions prévues par la présente loi, les juifs : 1°
Qui ont rendu à l'État français des services exceptionnels ;
2° Dont la famille est établie en France depuis au moins cinq générations
et a rendu à l'Etat français des services exceptionnels. Pour
les interdictions prévues par l'article 2, la décision est prise par décret
individuel pris en conseil d'Etat sur rapport du commissaire général aux
questions juives et contresigné par le secrétaire d'État intéressé. Pour
les autres interdictions, la décision est prise par arrêté du commissaire général
aux questions juives. Le
décret ou l'arrêté doivent être dûment motivés. Les
dérogations accordées en vertu des dispositions qui précèdent n'ont qu'un
caractère personnel et ne créeront aucun droit en faveur des ascendants,
descendants, conjoint et collatéraux des bénéficiaires. Art.
9 – Sans préjudice du droit pour le
préfet de prononcer l'internement dans un camp spécial, même si l'intéressé
est Français, est puni : 1° D'un
emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 500 F à 10000 F, ou
de l'une de ces deux peines seulement, tout juif qui s'est livré ou a tenté de
se livrer à une activité qui lui est interdite par application des articles 4,
5 et 6 de la présente loi : 2°
D'un emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de 1 000 F à 20 000 F,
ou de l'une de ces deux peines seulement, tout juif qui se sera soustrait ou
aura tenté de se soustraire aux interdictions édictées par la présente loi,
au moyen de déclarations mensongères ou de manœuvres frauduleuses.
Le tribunal peut, en outre, ordonner la fermeture de l'établissement. Art.
10 – Les fonctionnaires ayant cessé
leurs fonctions par application de la loi du 3 octobre 1940 et qui peuvent se prévaloir
des dispositions de la présente loi, sont admis à solliciter leur réintégration
dans des conditions qui seront fixées par décret en conseil d'État. Art.
11 – La présente loi est applicable
à l'Algérie, aux colonies, pays de protectorat, en Syrie et au Liban. Art.
12 – La loi du 3 octobre 1940,
modifiée par les lois du 3 avril et du 11 avril 1941, est abrogée ; les règlements
et les décrets pris pour son application sont maintenus en vigueur jusqu'à ce
qu'ils soient modifiés s'il y a lieu par des règlements et des décrets
nouveaux. Art.
13 – Le présent décret sera publié
au Journal officiel et exécuté comme loi de l'État. Fait à Vichy, le 2 juin
1941. Ph.
PETAIN. ¨ |