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Bérard,
le camp de Gurs et les Basques « Du
18 au 25 mai [1940], une deuxième catégorie d'Espagnols est envoyée à Gurs :
les émigrés politiques basques. Ils s'étaient installés, certains depuis
plus d'un an, dans le Pays Basque et en Béarn. Ils y avaient trouvé du travail
et quelques uns avaient même fait venir leur famille. En une semaine, 800
d'entre eux sont arrêtés par les services de gendarmerie et les agents des
commissariats centraux : les uns à leur domicile, d'autres sur leur lieu
de travail, à St-Jean-de-Luz, à Anglet, à Hendaye, mais aussi à Oloron ou à
Tarbes, d'autres à "La Roseraie" d'Ilbarritz, la clinique basque où
ils étaient en traitement. Ils sont immédiatement conduits à l'îlot C. Les
raisons de ces internements ne sont pas connues avec certitude. Aujourd'hui
encore, chez les Basques eux-mêmes, leur interprétation varie d'un témoignage
à l'autre. Néanmoins, trois motifs sont le plus souvent avancés, sans que des
preuves formelles puissent être fournies. Pour les uns, ces arrestations
seraient en étroite relation avec les accords passés entre le général
Jordana, ministre des Affaires étrangères de Franco, et Léon Bérard, qui
avait négocié pour le gouvernement français, en février 1939, la
reconnaissance du nouveau régime espagnol. A cette occasion, des listes de réfugiés
politiques réputés dangereux avaient été fournies aux autorités françaises ;
quelques mois plus tard, il avait suffi de rechercher les intéressés et de les
neutraliser en les envoyant à Gurs. Pour d'autres, elles incomberaient d'abord
aux manœuvres d'Ybarnégaray, qui ne cesse de vilipender les Basques
"rouges" réfugiés dans les Basses-Pyrénées. Pour d'autres enfin,
les plus nombreux, ces internements relèveraient d'une initiative de Pétain,
que Reynaud vient de rappeler de son ambassade : le Maréchal, craignant
que l'Espagne n'entre en guerre contre la France, comme allait bientôt le
faire, le 10 juin, l'Italie, aurait exigé avant son départ de Madrid que les
émigrés politiques réfugiés dans le Sud-Ouest soient appréhendés et groupés
dans un camp, afin d'apaiser les velléités belliqueuses des dirigeants
espagnols. Un tel geste présenterait un double avantage : il prouverait
l'attitude conciliante du gouvernement français à l'égard des franquistes et
permettrait de mettre au secret quelques "indésirables" étrangers
susceptibles, éventuellement, de troubler l'ordre public. Cette explication,
qui s'inscrit assez bien dans le climat politique du moment, ne repose cependant
sur aucun document d'archives. On ne saurait donc affirmer son authenticité. Cependant
il est clair que, pour Bérard, Ybarnégaray ou Pétain, les Républicains
basques réfugiés en France sont à la fois un danger pour le pays et un gage
auprès des Espagnols. En les internant, non seulement on ne courait aucun
risque, mais on pouvait en tirer profit auprès de Franco. »
(Claude Laharie, p. 140 et 141) Les
réfugiés basques selon Bérard : un gage donné à Franco
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